Accueil Actualités Liberté d’expression et libertés académiques et scientifiques : Quand le ministère de la Santé impose l’omerta

Liberté d’expression et libertés académiques et scientifiques : Quand le ministère de la Santé impose l’omerta

Etouffer toute voix discordante avec le discours officiel, voici la seule explication plausible à une note signée des mains du ministre de la Santé, dans laquelle il liste l’ensemble des professionnels de santé habilités à s’exprimer dans les médias. Pour les autres, ceux qui ont quelque chose à dire ou une opinion à exprimer en relation avec la pandémie de Covid-19, ils devront attendre l’approbation du ministre de la Santé lui-même.

«Toute intervention dans les médias ou à travers des publications sur les réseaux sociaux devra désormais faire l’objet d’une autorisation du ministère, pour les agents et cadres non autorisés. Toute infraction sera passible de sanctions disciplinaires ou juridiques», stipule la note.

Pour un journaliste, cela veut également dire que, comme au «mauvais» vieux temps, il devra s’en tenir exclusivement au discours officiel et occulter toute forme  de contestation au sein du personnel de la santé. Cette démarche touche au cœur le travail journalistique post-révolutionnaire, qui ne peut se résumer en la reproduction des communiqués officiels. Il est très important pour un journaliste de rendre compte de la réalité, même si elle est parfois contraire à l’image que souhaiterait faire passer le ministère de la Santé.

Il est également à noter qu’il serait très facile d’enterrer définitivement la liberté d’expression dans notre jeune démocratie, si l’ensemble des ministères et les différentes institutions faisaient de même. Il y aurait alors un véritable retour à la case départ.

De plus, pouvoir s’exprimer est un droit constitutionnel protégé, notamment, de manière spécifique par l’article 33 qui dispose que « les libertés académiques et la liberté de la recherche scientifique sont garanties». Toujours est-il que la note du ministère de la Santé passe mal et même très mal auprès des médecins qui refusent catégoriquement cette confiscation de la parole. D’ailleurs, le Syndicat général des médecins, médecins dentistes et pharmaciens hospitaliers s’est exprimé à travers un communiqué pour fustiger l’omerta que voudrait imposer le ministère de la Santé.

Plusieurs professionnels de la santé ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils n’allaient pas respecter cette note de leur ministère de tutelle, qu’ils jugent inconstitutionnelle.

Les jeunes infirmiers, souvent en première ligne dans la guerre contre la Covid-19, dénoncent, eux, «une mascarade». Les infirmiers  s’estiment être les plus habilités à décrire la situation dans les hôpitaux, du fait même de la nature de leur travail.

Pour le ministre de la Santé, l’objectif était peut-être de limiter la propagation de fausses informations dans les médias, en ces temps véritablement critiques où la Tunisie est touchée de plein fouet par la troisième vague de pandémie de la Covid-19. Cependant, en agissant de la sorte, il se substitue au journaliste professionnel, qui fera en sorte de se faire l’écho de tous les sons de cloche (sérieux évidemment).

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